Le deuil périnatal en deux temps : cette semaine, notre histoire

Cette semaine je me suis rendue chez mon médecin de famille pour un suivi régulier.  Je connais ce médecin depuis des années puisqu’elle m’a suivie durant toutes mes grossesses et est devenu « ma » médecin de famille par la suite.  Alors que je discute avec la secrétaire durant l’attente pour mon rendez-vous, le téléphone sonne.  La secrétaire prend l’appel et j’entends de mon coté du comptoir « T’as passé ton écho et il n’y avait plus de battement de cœur. »  Le cœur m’a chaviré et je suis retournée 4 ans en arrière, perdue dans mes sombres pensées.

Pour les deux prochaines semaines, je vous parle du deuil périnatal.  Un deuil difficile à comprendre, difficile à accepter.  Un deuil que personne ne veut vivre mais qui sera vécu par une femme enceinte sur 5.

Les statistiques sont désastreuses. Une grossesse sur 5 ne se rend pas à terme.  Mais il se pourrait que ce chiffre soit beaucoup plus élevé car plusieurs femmes vivent cette situation en silence.  Pour ce qui est des mortinaissances, des grossesses ectopiques et des morts néonatales, on indique 1 grossesse sur 100.  Les chances de vivre 3 fois ou plus ces deuils périnataux sont de 1 sur 1000.

Pour ceux et celles qui ont lu la présentation de ma famille, vous savez donc que nous sommes ces malheureux élus.  Dommage que nous ne soyons pas aussi chanceux à la loterie…

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Notre histoire :

Je vous raconte l’histoire de notre NUMERO QUATRO, notre « petite ange JULIETTE ». 

Suite à une fausse couche d’un œuf vide en avril, je retombe enceinte en juin.  Nous sommes très heureux mais avons aussi une réticence puisqu’il y a au fond de nous cette peur de perdre à nouveau notre bébé.  Arrive 12 semaines et voilà que nous passons le prénatest.  Tout est SUPER… Beau bébé bien en santé avec un bon développement.  Probablement une petite fille mais ce n’est vraiment pas une garantie; « c’est encore très tôt pour se prononcer » me dit le radiologue.  Nous partons de ce rendez-vous le cœur léger.  Tout va bien.  Je dis à mon Roméo que ce sera une fille.  Je le sens depuis le début.  Je le sais, j’en suis certaine. 

Rendez-vous de suivi à 16 semaines.  Il est remis car mon médecin est en salle d’accouchement.  Ce n’est pas grave.  Je joue avec ma fille tous les soirs en me couchant en me poussant sur le ventre et en restant totalement immobile.  Elle me répond.  Je sens de petites ailes de papillons frotter sur ma bedaine.  Je sais qu’elle va bien.  Je vois donc le médecin à 19 semaines.  On écoute le cœur et il bat vite, vite, vite.  Mon médecin me dit : « Ça bat comme une fille ça… »  Mon chum commence à y croire.  Moi je le sais depuis le début!!! 

Arrive le 30 octobre, 19 semaines et 6 jours.  Nous avons décidé de s’offrir l’échographie en privée pour avoir un DVD de l’événement.  Nous y allons avec NUMEROS UNO et DOS.  Ils ont le droit d’entrer dans la salle.  C’est un party de famille.

La technicienne commence l’échographie, elle prend plein de mesures et mon Roméo et moi jasons avec les gars.  Je leur dis « regardez comme elle est belle.  On voit son bras ici et une jambe là ».  Et là je rajoute tout à coup, « il me semble qu’elle est petite non?   Je ne vois pas son petit cœur… il est où le cœur???»  À ce moment, la technicienne se lève d’un bon et nous dit, « le médecin va venir vous voir ce ne sera pas long » et elle quitte en vitesse.  Nous avons le cœur en miette.  Je pleure comme une Madeleine.  Les garçons ne comprennent pas ce qui se passe.  Mon Roméo tente tant bien que mal de les rassurer mais lui aussi a le cœur à l’envers et le « motton dans la gorge ».  La veille, au couché, ma fille n’a pas voulu jouer avec moi.  Je n’ai pas sentie les petites ailes de papillons me chatouiller la bedaine.  Durant la nuit, j’ai rêvée que je la berçais. 

Le médecin arrive et entre dans la pièce.  Il regarde le moniteur et nous dit aussi bêtement : « Votre bébé est mort à 14 semaines.  Consultez votre médecin pour un avortement.  Passez à la réception en sortant, on va vous rembourser les frais du traitement DVD. » Et il s’en va.  

Nous partons avec deux garçons qui pleurent parce que maman pleure et qu’ils sont maintenant conscients que leur petite sœur est morte.  Une fois en voiture je réalise que le médecin m’a dit que ma fille est morte à 14 semaines.  Je me mets à rire et je dis tout haut « Les caves… son cœur battait y’a 5 jours, à peu pas être morte.  Elle est pas morte à 14 semaines. »  Je suis dans une bulle.  Je refuse de croire qu’elle soit morte.  Pourtant, j’en ai eu toutes les indications la veille…  Arrivée à la maison mon conjoint va reconduire UNO et DOS à la garderie.  Nous avons besoin de temps pour faire les téléphones et prendre les arrangements.  Malgré que je ne veuille pas que mes enfants s’éloignent de moi, je ne vois pas comment on pourrait faire ça avec eux.

Je passe « LE » coup de fil à mon médecin et je dis à la secrétaire : « J’ai passé mon écho et il n’y avait plus de battement de cœur. »  C’était il y a quatre ans…

Juliette est décédée du Syndrome du cordon trop long, une anomalie qui se produit environ 1 grossesse sur 100 000.  Elle s’est battue durant de longues semaines en étant sous alimentée et oui, elle vivait encore à 19 semaines mais son corps avait arrêté de croître vers la 14e semaine.  Durant ces 5 semaines, elle a vécue sans être alimentée.  Ma « petite ange » était une battante.

Suite à cet appel, on m’a donné rendez-vous à l’hôpital où j’ai eu la chance d’avoir un suivi exemplaire.  La gynécologue qui m’a prise en charge a pris le temps nécessaire avec nous pour nous rassurer.  Comme je refusais de croire que notre bébé était mort, elle m’a même refait une échographie pour me permettre de bien voir que le cœur de notre bébé ne battait plus.  Ensuite on a discuté des options.  Pour elle, l’avortement était téméraire.  Le bébé avait tout de même des proportions supérieures à la normale des avortements.  Elle nous a donc fortement conseillé que j’accouche.  On m’a alors hospitalisée et on a entrepris la provocation de l’accouchement.  Je ne me souviens plus beaucoup de tout ce qui s’est passé durant ce temps, je sais juste que tous les gens qui m’ont côtoyés l’ont fait avec respect et douceur. 

Le 31 octobre 2008 à 5h15am, j’accouchais de Juliette.  Juliette pesait 100 grammes (0.22 lb) et mesurait à peu près 15 cm (6 pouces).  J’ai accouché d’ « une ange » et à tous les jours je me demande pourquoi?

J’ai vécu mon deuil en me refermant sur moi-même.  Ça m’aura pris plusieurs mois avant d’avoir le courage de sortir de chez-moi.  J’ai dû consulter une psychologue.  J’ai eu la chance d’avoir UNO et DOS ainsi que mon Roméo à mes côtés.  J’ai pleurée, j’ai sacrée.  J’en ai voulu à la terre entière.  J’ai même perdu mes croyances. 

Juliette a été incinérée suite à son autopsie.  Je porte sur moi, dans un médaillon, une partie de ses cendres.  Elle fait encore partie de moi.

Tranquillement la vie a repris le dessus.  Tranquillement j’ai réussi à passer une heure sans pleurer.  Puis une journée.  Ensuite ça été une semaine.  Petit à petit j’ai recommencé à rire.  Jamais je n’oublierai ma fille. 

Je perdrai un troisième bébé 10 mois après le décès de Juliette.  Une fausse-couche bien banal mais qui a continuée de nous blesser.

La vie décidera finalement d’être douce envers nous et près de deux ans après le départ de notre Juliette, je donnerai naissance à des jumeaux, NUMEROS SEIS et SIETE…

La semaine prochaine, l’article portera sur les causes du deuil périnatal, les étapes de celui et ses répercussions sur les couples et les familles.

INDICE BÉKÉ-BOBO: RÉCONFORT

Je profite aussi de cet article pour rendre hommage à une femme extraordinaire qui nous a quittée il y a un an jour pour jour.  C’était la gardienne de NUMEROS UNO et DOS et aussi celle qui aurait gardé SEIS et SIETE…  Tu nous manques toujours terriblement Diane.  -xxx-

À bientôt,

Alie –xx-

8 responses to “Le deuil périnatal en deux temps : cette semaine, notre histoire

  1. Je suis à ma 4ème grossesse. Grossesse no1 terminée à 24 semaines pour une malformation cardiaque, grossesse no 2 s’est bien déroulée quoiqu’elle a été angoissante, grossesse no3 s’est bien déroulée jusqu’à l’accouchement: Négligence du médecin qui a voulu me faire accoucher naturellement. Résultat, 20 heures plus tard, le coeur du bébé a laché. Césarienne d’urgence, réanimation sans succès, hémoragie sévère et soins intensfifs pour maman durant 10 jours et des mois de réadaptation. Grossesse no4… ca semble bien aller, quoique je vis sur les effets importants d’un stress post-traumatique. Vivre ce genre d’expérience du deuil périnatal, pas grand personne peut comprendre et c’est tellement douloureux. Tant mieux si des personnes osent de plus en plus en parler et surtout ne pas mettre ses émotions.

  2. NathAlie je te trouve tellement courageuse de partager cette expérience que personne ne souhaite vivre. Je regarde ma Juliette et me trouve bien chanceuse ce soir…une pensée pour ta Juju 🙂

  3. Je te trouve forte ….je ne te cacherai pas que je suis en larmes en te lisant…personne au monde ne mérite de vivre cela….merci de partager cela avec nous…c’est jamais simple de perdre un enfant.. +++++

  4. C’est vraiment un beau témoignage! Bravo pour ce texte!
    J’aime beaucoup lire tes articles, c’est toujours bien écrit, mais celui-ci est particulièrement touchant.

  5. Tellement touchant comme témoignage… Merci beaucoup de partager! Je suis certaine que ça aide plein de gens! Des parents endeuillés et des ami(e)s qui ne savent pas quoi dire à leur ami(e) qui vient de perdre un petit ange…

  6. Comme je te comprends. J’ai deux enfants vivants, avec des grossesses difficiles et puis, la chance a tourné… Première fausse couche spontanée en octobre dernier et surprise de la vie, une grossesse en novembre. On était si heureux et tout s’est effondré. Séroconversion à la toxoplasmose, et malgré le risque très faible, Tom a été infecté, a présenté des lésions au cerveau et à l’intestin et nous avons appris son décès le jour de l’amniocentèse. Et puis le parcours tu le connais… Mais j’ai mal, si mal malgré tout ce qu’on peut me dire. Et lire des gens qui en parlent, avec douceur et bienveillance, apaise face au silence qui nous entoure si vite…

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