Mon chum en a souvent long à dire sur bien des sujets et j’admire sa franchise et son ouverture d’esprit. J’ai donc cru qu’il serait intéressant de lui donner la parole. Mes quatre prochaines chroniques seront donc consacrées à une série d’entrevues, sur différents thèmes, avec lui. Cette semaine, j’ai choisi le thème de la grossesse et de l’accouchement.
***
François-Mathieu, notre première entrevue traitera de la grossesse et de l’accouchement. Ça te va?
Oui.
Comment te sentais-tu en général, pendant ma grossesse?
Moi j’aimerais ça commencer au début, parce que je ne peux pas regarder juste la grossesse. Ça a été plein d’étapes. D’abord, il y a eu apprendre que tu étais enceinte, qu’on apprenne qu’on était enceinte. Mais on vit les choses en couple, puis on vit aussi les choses personnellement. Il ne faut jamais oublier ça. Il y a des choses que tout d’un coup, quand on se ramasse seul. Nous, on n’habitait pas ensemble en plus à ce moment-là. Ça ne faisait pas longtemps qu’on sortait ensemble.
Donc, comme je disais, c’est des étapes. Au début, j’étais content, mais même si je voulais avoir des enfants depuis un bout, là ça devenait un peu plus concret en sachant que tu étais enceinte. Comme dans n’importe quelle chose qui va transformer ta vie, il y a un mélange de joie, puis de crainte, de doute, qui me passe par la tête. Mais je ne peux pas dire que j’étais surtout angoissé, j’étais plus content. J’étais plus pris d’un bonheur que d’inquiétude. J’étais surpris, ça c’est certain, mais c’était dans un bout où ça allait bien entre nous deux et vu qu’on avait une relation assez spéciale toi et moi, du temps qu’on était des amis et du temps qu’on était un jeune couple, je voyais ça comme un défi. Je pense que c’était une suite logique des choses. Je suis tombé en amour avec ma meilleure amie, puis là elle tombe enceinte. On s’est donné un projet.
Et tu avais des doutes à ce moment-là?
Il y a toujours des doutes. Moi en plus je suis une personne qui doute perpétuellement. Je me pose toujours des questions, mais là, contrairement à d’autres moments de ma vie où c’est arrivé, faut dire que j’ai 40 ans et que j’ai été confronté à la réalité de la grossesse d’autres de mes compagnes, avant toi, c’est arrivé trois autres fois. La première fois que c’est arrivé, ça m’a vraiment perturbé, parce que c’était avec quelqu’un avec qui je ne m’entendais pas super bien. Je m’entendais bien, mais pas super bien. Après ça c’est arrivé en début de couple avec une fille aussi que ça faisait deux mois qu’on était ensemble. La première fois, c’était un avortement naturel, la fille avait perdu l’enfant et ça m’avait beaucoup affecté, parce que j’ai assisté à ça, dans le sens où j’ai vu le reste du foetus sortir. J’ai tenu dans mes mains un foetus qui avait 6 ou 7 cm de long et ça m’a beaucoup marqué. En sachant que c’était ça, que ça existait. Après ça, l’expérience que j’ai vécue c’est une blonde qui s’est fait avorter. Je pense que cet être-là, qui aurait pu devenir un enfant, j’aurais sans doute été prêt à accepter de l’avoir, même que j’ai été un petit peu déçu, mais je comprenais la situation et j’ai vécu avec ça après. Puis la troisième fois, bien il est encore arrivé un moment où une blonde était enceinte et en fait c’était des jumeaux ou des jumelles, mais c’était des oeufs clairs. Puis là, ça m’a beaucoup affecté. J’ai fait une dépression à cause de ça, parce que je sentais dans ma vie que j’avais 36 ans, j’étais vraiment prêt mentalement, puis je ne réalisais pas à quel point je voulais être confronté à des enfants. La dépression n’était pas juste à cause de ça, c’était aussi à cause d’autres affaires dans ma vie, mais j’étais quand même dans un moment de ma vie où je réfléchissais à ça, puis plus je vieillissais et sortais de ma dépression, j’approchais de l’âge de 40 ans, ma vision à moi c’était de dire bon, je commence un peu à être vieux, donc la façon dont je voyais ça, c’est que peut-être que moi, je pourrais rencontrer une fille qui a déjà des enfants. Je me disais que ça ne me dérangeait pas, j’aimerais ça avoir des enfants autour de moi. Ça ne me dérangeait pas que ce soit les miens ou ceux d’un autre. Juste être en contact avec des enfants, ça aurait été quelque chose qui aurait été merveilleux pour moi.
Je me disais que j’étais peut-être un peu vieux. Puis il faut dire aussi, parce que j’aimerais parler de ça, mes parents m’ont eu vieux, mon père avait 43 ans et ma mère avait 39 ans quand elle m’a eu. J’ai été adolescent avec des parents qui frôlaient la soixantaine et je m’étais dit que je ne voulais pas faire vivre ça à mes enfants. J’aurais aimé avoir des enfants jeune pour être dynamique et surtout parce que je sentais que mes parents, à un moment de leur vie où ils auraient pu commencer à avoir la paix, ils avaient encore un adolescent boutonneux qui traîne à la maison et qui est très difficile de caractère. Ça fait que je m’étais comme résolu à ne pas avoir d’enfants. Je m’étais dit peut-être que oui, mais pour le moment je ne vois pas ça.
Puis toi tu es apparue dans ma vie et finalement, de l’amitié on s’est en allés vers l’amour, puis tu es tombée enceinte et après peu de temps de réflexion, on a décidé de s’embarquer dans la grande aventure. Je trouve que ça s’est fait naturellement. Il n’y avait pas énormément de doutes. Il y en a eu, mais je pense que je ne me trompe pas en disant que très rapidement, on s’est dit ok, allons-y.
La grossesse dure neuf mois et c’est merveilleux que ça dure neuf mois, en général. Nous, ça a duré huit mois. En même temps que les enfants grossissent dans le ventre de la maman, il y a une sorte de perception qui prend le temps de maturer jour par jour, semaine par semaine, ensemble et aussi individuellement. Il y a un bout où on n’y pense plus trop et il y a un bout où on y pense plus. Moi, dans mes autres expériences, le plus longtemps que ça a duré, c’est quatre mois et demi, cinq mois. C’était la fois où il y avait eu l’avortement naturel. Donc, passé ces étapes-là, ce que j’ai trouvé fascinant, pas juste dans le sens positif, c’est de voir la transformation chez toi. Comment une fille vit ça. Toi, déjà en apprenant ça, tu as dû faire des sacrifices. Tu devais prendre ça d’une manière plus sérieuse que moi, parce que c’était dans ton corps. On était tous les deux des gens qui fumaient, on était des fêtards. Toi, du jour au lendemain, il a fallu que tu ajustes ça. Tu étais malade physiquement, il y avait une transformation émotive et physique par rapport à ça. Tu perdais de l’énergie. Moi j’étais dans un mélange de responsabilité, que je trouve que j’ai fait. Je voulais m’occuper de toi et je comprenais ton mal, puis en même temps, des fois ça me perturbait parce que dans le fond, il y avait une partie du grand engagement que ça amène, l’idée de construire une famille ou d’avoir des enfants avec quelqu’un, que j’avais pas vraiment analysé. On dirait que c’est en m’occupant de toi que j’ai un peu compris ce que ça allait être s’occuper d’enfants. Nous, dans notre culture ici, on est beaucoup appelés à être égoïstes. Notre vie, c’est notre vie. Pourquoi on trouve ça affreux de dire qu’une jeune fille est tombée enceinte à 17 ans? Elle a ruiné sa vie, elle n’a pas pris le temps. Je trouve ça un peu ridicule, mais notre vision du monde, c’est ça. Même ma mère m’a dit qu’elle a adoré ça les treize premières années de son couple, parce que sans enfants, ils ont pu voyager, faire l’amour, tripper, aller dans des soirées et ne jamais se préoccuper de ça.
Donc, il y a des choses qui rentrent progressivement, puis le temps de la grossesse, moi ça m’a fait comprendre à quel point pour la femme, en l’occurrence toi, cet engagement physique est surprenant. C’est touchant.
Et compte tenu de tes expériences précédentes, as-tu eu peur que je perde les enfants ou tu laissais les choses aller pour voir ce qui allait arriver?
Oui, bien c’est-à-dire que j’essayais d’être très raisonnable. Je ne sais pas si tu te rappelles que je t’aie dit ça, mais plusieurs fois j’ai dit : ne parlons pas trop vite, on ne sait pas. Tu peux perdre l’enfant, tout ça. On peut perdre l’enfant jusqu’au septième mois, il peut être malade et mourir à la naissance. Je pense que c’était beaucoup plus une manière de contrôler mes peurs, qu’une réelle inquiétude.
Est-ce que tu étais capable d’imaginer comment ce serait avec les enfants ou si c’était quelque chose de très flou?
C’était super flou, mais à un moment donné, quand on a vu que tout allait bien et qu’à un moment donné on a appris qu’on allait avoir des jumelles, qu’elles étaient en santé et ainsi de suite… Moi j’ai bien aimé la manière dont j’ai vécu ça. J’ai vécu ça étape par étape. C’est certain que j’ai eu des peurs et de la difficulté à communiquer mes émotions, mais on dirait que tant que ce n’était pas vrai, ce n’était pas vrai. C’est vrai que tu étais enceinte, mais la première étape ça a été c’est vrai que tu es enceinte et quand les enfants sont nés, c’était c’est vrai qu’elles sont là. En discutant avec toi des fois, je disais ça va être ci ou ça va être ça, mais d’un autre côté, j’attendais de voir. J’attendais de faire une rencontre. C’est ça qui était spécial. C’était comme s’il y avait des collègues de travail qui s’en venaient en avion, puis que tu leur avait juste parlé par courriel, puis là tu allais les voir pour vrai.
Puis si on revenait un peu sur le fait d’avoir des jumelles en tant que tel. Bien, en fait au début des jumeaux, parce qu’on ne savait pas si c’était des filles ou des garçons. Étais-tu content?
Moi j’ai été content instantanément. Je ne sais pas pourquoi, mais ça me fait tripper des jumeaux. J’adore ça ce principe-là. Je l’aurais peut-être eu avec juste un enfant de dire que ça allait être difficile, mais dans ma tête, ça n’a jamais été plus compliqué deux enfants que un. Dès l’annonce de ça et tout le long de la grossesse, moi ma seule inquiétude était pour toi, parce que tu allais avoir deux bébés dans le ventre. Mais il ne faut pas se leurrer, les gars, puis même une autre fille qui n’a jamais eu d’enfants, ne peut pas comprendre ce qu’une femme enceinte vit. On ne le sait pas c’est quoi. On ne le sent pas. Moi je ne le savais pas que tu avais le goût de dégueuler, que ça changeait tes hormones. Je ne le ressentais pas ça. Donc, cette partie-là, qui t’appartient, ça pouvait me faire me poser des questions par rapport à l’idée des jumelles. On dirait que plein de gens nous disaient qu’on allait trouver ça difficile deux enfants, mais moi je n’en ai pas eu d’enfants. Donc, ce que j’allais connaître comme père, c’est d’être un père de jumeaux. Alors dans ma tête, ce n’était pas plus difficile de dire que j’allais être un père de jumeaux que d’être père tout court. C’est certain que si on avait eu des quintuplés, j’aurais peut-être dit comment je vais me sortir de ça, mais deux c’est pas… Deux c’est mieux.
Penses-tu que ma grossesse a changé notre relation?
Oui, mais nous on a un cas particulier. On n’avait pas une grosse expérience de relation. Il faut l’accepter ça Maude. On a été des amis plus longtemps qu’on a été un couple. Quand on a appris que tu étais enceinte, ça faisait juste trois mois et demi qu’on sortait ensemble. Et ça c’est quand on a appris que tu étais enceinte. Ça veut dire que tu es tombée enceinte quand ça faisait juste deux mois et demi qu’on était ensemble. C’est rien ça. Ça c’est une autre affaire par rapport à ça. Je sors peut-être de la question, parce que je m’en vais vers quelque chose de général, je pense qu’il n’y a pas de moment idéal. J’imagine qu’il y a des gens avec une vie tellement bien organisée que c’est comme je vais à l’école, je me trouve une job, je me fais un chum, on apprend à vivre ensemble, on fait nos trips, puis après ça on décide qu’on veut des enfants, puis sûrement qu’eux autres, ça va super bien comme ça. Puis il y en a d’autres qui sortent ensemble un soir. Ça existe ça aussi. Il y en a qui font un one night, la fille tombe enceinte, puis finalement ils vivent ensemble. Mais il y a l’inverse aussi. Il y a ça fait cinq ans qu’on sort ensemble, on a un enfant, puis sept mois après on divorce. Donc, il n’y a pas d’équation magique. Moi on dirait que je m’en suis toujours crissé de ça, foutu. Mais ça a changé de quoi dans le sens où, là c’est vrai, j’aurais peut-être aimé ça avoir un peu plus de temps pour créer un ancrage de relation entre toi et moi. On n’habitait même pas ensemble. On était un nouveau couple qui habitait chacun de son côté, puis on a appris qu’on allait avoir des enfants. En même temps qu’on apprenait à être un couple, on apprend qu’on attend un enfant et la première étape qu’on a vécue, c’est d’apprendre à vivre ensemble, trois mois plus tard. On est déménagés ensemble et ça a bien été. Il faut dire aussi qu’il est arrivé quelque chose de bien spécial, je pense que ça a été bien le fait que je parte travailler un mois au Brésil. Ça m’a donné un petit moment pour réfléchir à ça. Ça m’inquiétait un peu parce que je te laissais toute seule, mais en même temps, c’était le début de l’été et je savais que tu avais un peu de monde ici. Mais je savais que tu ne te sentais pas bien avant que je parte. Ça, le côté inquiet pour toi, c’est une chose. Ça, je l’avais. Mais pour moi, ça m’a permis d’avoir des moments pour penser à ça avec de la distance. Ça m’a beaucoup aidé dans mon processus, à accepter et à vivre ça.
Si on parlait maintenant de quand j’ai été hospitalisée à Montréal. Comment as-tu vécu ça?
J’ai pas aimé ça. À tort ou à raison, probablement plus à tort qu’à raison, je suis quelqu’un que sur certaines affaires, j’aime pas que les plans changent. Une fois que je me suis sécurisé sur quelque chose, comme je suis une personne qui est insécure, moi je m’étais sécurisé sur le fait qu’on était à Chicoutimi et qu’à un moment donné on allait s’en aller à l’hôpital et les enfants allaient naître. C’est des petits détails niaiseux, mais pour moi c’était l’idée de dire, il y a comme une hyper-responsabilisation qui nous prend quand on va avoir des enfants. Ça ressemble un peu à de l’orgueil, mais je devrais plus prendre ça comme un sens des responsabilités. Quand on est allés à l’hôpital, à 31 semaines, première des choses, il y avait l’inquiétude pour les enfants. C’est bien beau qu’on était prévenus d’avance qu’il y avait beaucoup de risques de naître prématurément, mais la chose qu’on se disait toujours dans notre tête, c’est rendons-nous à 35. Rendons-nous à 36 je pense, même qu’on disait. Essayons tout pour ça. Donc ça, ça m’a inquiété par rapport aux enfants et ça m’a inquiété par rapport à toi. Sur le moment, quand ils ont dit que tu t’en allais à Montréal, j’avais vraiment l’impression que je me faisais voler ma blonde. C’est pas une pensée rationnelle, c’est une pensée émotive. Je me faisais voler quelque chose qui m’appartenait à moi aussi. C’était on part avec ta blonde en avion, puis toi, arrange-toi. Si j’avais pas eu de permis de conduire, si j’avais pas eu personne pour m’aider, si j’avais pas eu beaucoup d’argent, c’est quoi que j’aurais fait? J’ai trouvé que c’était une grande violence. Mais ça, comme je dis, c’est l’émotion comme je l’ai vécue. Mon esprit comprenait que c’était pour le bien des enfants. Je comprenais tout ça.
Est-ce que tu as eu peur de ne pas assister à l’accouchement?
Pas tant que ça. En même temps que je me raisonnais, par rapport à l’idée de dire que c’était correct que tu sois partie à Montréal, il y avait quelque chose à l’intérieur de moi qui me disait tant que Maude et les enfants soient bien. Quand je me suis raisonné de tout ça, je me suis raisonné pour tout en même temps. Je me suis dit qu’elle accouche dans l’avion ou à l’hôpital, si les enfants sont bien et que Maude est bien, c’est ça qui est important. C’est ça qui m’inquiétait le plus. Même que rendu là, on dirait que je m’inquiétais plus pour toi que pour n’importe quoi d’autre. Je me disais j’espère que Maude va être bien, j’espère que sa mère va arriver rapidement, pour qu’elle ne soit pas toute seule. Le côté magique, ça passait en deuxième. La réalité physique faisait que tu aurais pu accoucher en arrivant à Montréal. Je l’acceptais ça.
Donc, finalement je n’ai pas accouché à Montréal, à 34 semaines je suis revenue à Chicoutimi et à 35 semaines, j’ai accouché. As-tu aimé assister à l’accouchement?
J’ai adoré ça. J’ai tellement adoré ça que j’ai adoré ça en dehors du fait que c’était mes enfants. Ça peut sembler bizarre de dire ça, mais c’est peut-être ma manière à moi de me protéger. Comme tout le monde. On n’aime pas ça ressentir des émotions trop fortes. On a peur de ça. Ma manière à moi de gérer ça, c’était d’être présent, d’être actif, d’être généreux. J’aimais la procédure, j’aimais ça que ce soit public. Moi c’était venez-vous en! J’étais entouré de femmes compétentes. J’avais l’impression de participer à une corvée. Comme une petite popote. On fait tous à manger pour du monde, mais c’était des bébés qui sortaient. Puis quand les bébés sortaient, c’était normal, parce que c’est ça qu’on était venus faire. Ma blonde pousse, je force avec elle, je lui fais un sourire, je l’encourage, je me vire de bord, la tête est là, elle est sur le bord de sortir. Puis il faut dire qu’on fait partie de générations qui ont tellement vu ça souvent à la télévision, dans des photos et tout ça. En arrière de ma tête, j’avais l’idée de dire François, c’est tes enfants qui sortent de là. C’est super beau comme moment. C’est une des plus belles choses que j’ai vécues. J’étais pas hystérique, mais moi ils m’auraient dit on a besoin de quelqu’un pour aider la madame de l’autre bord qui va accoucher et j’y serais allé tout de suite. J’aimais ça faire ça. Je trouvais ça merveilleux comme activité.
Tu étais un bon coéquipier en tout cas. Si on parlait maintenant de ta rencontre avec nos filles. Comment c’était?
De fait, les bébés quand ça naît, la médicalisation de tout ça, le côté hospitalier, les machines, les spécialistes, checke le coeur, checke le poids, checke les poumons, nettoie, nettoie, nettoie, vite, vite, vite, passe d’une machine à l’autre, moi je trouve que ça déshumanise un peu le processus. Moi ça ne me dérangeait pas, parce que c’est tellement spécial ce que tu vis que quand tu le vis, tu ne commences pas à regarder ce que tu as en moins, ce qui est une bonne attitude à avoir. Quand tu vis quelque chose de spécial, tu prends ça comme ça vient, mais en rétrospective, je trouvais que le rapport… L’idée que les enfants naissent et de prendre un cinq ou dix minutes pour dire ils sont plus dans le ventre, ils sont encore un peu dans leur liquide… Je me rappelle très bien que le cordon ombilical de Béatrice, la première qui est sortie, je l’ai coupé pareil comme un chef d’entreprise pose une signature sur un chèque entre deux téléphones. J’étais en train de te parler à toi, parce que tu te préparais pour le prochain enfant, j’étais en train de regarder le bébé d’un bord, puis il y avait l’infirmière qui te parlait et qui me parlait à moi aussi. Tout d’un coup il y a quelqu’un qui a dit coupez le cordon. J’ai pris les ciseaux, j’ai coupé le cordon, puis je me suis viré de bord tout de suite. Je n’ai même pas pris le temps de vivre ce que j’ai vécu.
C’est vrai que ça a tellement été vite, qu’on n’a pas réalisé ce qui arrivait.
Disons, deux heures et demie avant que tu accouches, on était seuls dans la chambre, les gens sont rentrés, puis 45 minutes après l’accouchement, tout le monde était parti. Les bébés étaient à la pouponnière. Moi, je voulais m’occuper de toi. Tu es passée à travers ça. Les bébés, j’étais pour apprendre à les connaître jour après jour. En quelque part, j’étais content que ce soit étape par étape. Pour moi, c’était important de dire que c’était nous qui avions vécu ça, puis après ça c’est eux qui arrivent dans notre vie. C’est pas parce que j’ai pas d’affection pour les enfants, c’est parce que pour moi, savoir que ma blonde allait bien, tu sais, j’étais allé te chercher à manger, puis on a pris un petit temps pour manger dans la salle d’accouchement. Ce petit moment-là où tu me regardais, je te regardais et on mangeait notre hamburger, pour moi il y avait une grande satisfaction dans ça. C’est comme sortir d’une aventure, une grosse randonnée pédestre. Là tu reviens, puis tu dis wow, on a fait ça. C’est ça qui a clos la grossesse entre moi et toi. Après ça, ça a été moi, toi et eux, les deux petits enfants. J’ai adoré ça les voir au début. Il y avait un sentiment bien spécial et quand j’ai pu les prendre pour la première fois, ça a été magique, puis de voir que toi tu étais heureuse et que moi j’étais heureux, puis que c’était simple. C’est ça.
Merci beaucoup FM, j’ai déjà hâte à la prochaine entrevue.